De l'art du management collaboratif

Lorsqu'on cause innovation, on pense directement au développement technologique : ce n'est pas un hasard si le classement des entreprises innovantes est fondé sur le nombre de brevets proposés ! Et, de ce point de vue, notre pays n'a d'ailleurs pas à rougir, puisqu'il est le 3ème pays le plus innovant au monde. Mais l'innovation technologique a tendance à faire de l'ombre à un autre type d'innovation, tout aussi important à mon sens. Il est en effet nettement plus rare qu'on aborde la question de l'innovation managériale. Et force est de constater que, dans ce domaine, des efforts conséquents sont à faire : le management n'a, en un siècle, pratiquement pas bougé. Un comble, quand on sait la révolution qu'a apporté internet dans les esprits et les façons de faire. Jeudi dernier, j'ai cependant suivi un congrès à Cannes, où un des intervenants nous a présenté plusieurs choix de management différent. Si tous étaient fascinants à découvrir, trois d'entre eux m'ont carrément épaté. Aux Etats-Unis, dans l'entreprise WL Gore (qui compte près de 8000 collaborateurs), les nouvelles recrues disposent de quelques semaines pour découvrir tous les projets et désigner les équipes dans lesquelles... elles désireraient travailler ! Elles peuvent choisir en fonction du plaisir qu'elles ont éprouvé lors de ces semaines de découverte. Les équipes ont de leur côté le droit d'accepter ou d'écarter la candidature, histoire le choix soit équitable des deux côtés. Cette formule est non seulement étonnante, mais elle montre aussi formellement les deux principes du plaisir au travail, à savoir : le travail lui-même, bien sûr, mais également l'appartenance à un groupe au sein duquel on se sent bien. Cette initiative est extrêmement brillante, en terme de management. Chez HCL Technologies, en Inde, les employés ont quant à eux la possibilité de présenter leurs craintes grâce à un site interne dénommé "U&I". Sur ce site, les membres de la direction s'engagent à répondre aux différentes questions (le PDG aussi, même si c'est pour avouer son ignorance). Ce pont employeur-employé me semble très intéressant. Établir un lien de confiance implique en effet de passer par une étape indispensable (mais relativement compliquée) au sein du management : autoriser l'expression des doutes, appréhensions ou critiques. Y faire face et les prendre en considération plutôt que de les passer sous silence. Le choix est pertinent, en ce qu'il est préférable de juguler les ressentis négatifs, y répondre, plutôt que de les laisser gagner du terrain dans les couloirs (ou même chez le client). Le groupe américain 3M, enfin, a adopté un curieux système : celui des 80/20. Ce système incroyable a été initié dans les années 1930, sous l'égide de William McKnight, son PDG de l'époque, qui affirmait que la créativité des employés était la base de l'innovation. Il a donc mis en place une pratique qui permet à ses employés (ceux qui le souhaitent, l'initiative n'étant pas obligatoire) de dédier un jour par semaine à des projets libres, hors de la hiérarchie. Si l'initiative peut sembler délirante (elle demande une sacrée confiance en ses employés, une chose que très peu d'employeurs semblent capables de faire), force est de reconnaître qu'elle fonctionne à merveille. Elle a permis à 3M de créer des produits tels que l'incontournable post-it, qui fut élaboré par deux salariés en dans les années 70 dans le cadre de ces journées libres ! Aujourd'hui, 3M vend plus de 600 produits basés sur cette invention. Cette approche a été reprise par d'autres entreprises (comme Google, entre autres). Les employeurs, généralement prisonniers d'une vision dépassée de l'entreprise (méfiance envers l'employé, considéré comme un ennemi potentiel ; hiérarchie descendante obligatoire ; compartimentation entre la tête et les mains...), ont bien du mal avec un tel concept, mais seraient surpris par les résultats d'une approche plus participative. Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine du management, mais ce congrès à Cannes m'a appris que certaines entreprises avaient pris conscience du retard dans le domaine, et s'employaient à le combler. Il y a fort à parier que ce soit là les entreprises de demain. Si cela vous intéresse, suivez le lien pour le site de l’organisateur de ce séminaire à Cannes, vous pourrez télécharger toutes les présentations. Suivez le lien.